Étrange ballet – Mar Thieriot

PARCE QUE LES NUAGES SAIGNENT AUSSI

Ce matin,
Le soleil éclabousse
Une eau verte calme,
Comme un canal se creuse un chemin,
Miroitant le ciel de Venise
Une clairière de larmes
Fausta
Simple flaque

UNE ISSUE
Miroitée
Entrevue
La soulage

Une autre aurore saigne
Et se répète
Bégayant sa douleur

Ardentes
Les plaies de sa fatigue
Brûlent ses tempes

Sa difficulté semble inouïe
À épeler des mots ajourés
Et qui durent
Musicaux
Comme le souffle
Brefs
Comme l’éclair
Une berceuse pour le diable
Résidu léger de la vie

Un ange se soulève
Au visage de lion
Aux traits vénitiens
Ils esquissent un sourire.
Au fil de l’eau
Un glissement secret
Hébétés de fatigue
Fiévreux
Ils s’envolent
« La mer n’est pas toujours mugissante ; le ciel
Redevient serein et c’est en affrontant les
Dangers qu’on en triomphe le plus surement » (Godwin in Saint Léon)

Mar Thieriot in Fausta , Ed. Amalthée, France, 2018

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UN ABATTOIR MUSICAL

Étrange ballet
Celui de la mort
Qui vient frôler de ses ailesPoésie française
Leurs serments furieux
Ils frayent
Avec elle
Engagés
Corps à corps
Un combat éperdu
Parfois elle gagne du terrain
Parfois elle recule

Fausta lui dit en riant à demi:
« Nous sommes en croisière
Sur le Titanic
Et il prend l’eau…. »
Le démon répond narquois :
« Nous sommes
Tous passagers du Titanic…
Personne ne survivra à la traversée! »
Lucide
Il ne la rassure pas.
Plus loin
Il introduit Fausta à la fin du chemin
À la lisière des bois absurdes et sombres
Ces bois infernaux
Où les spectres les guettent déjà
Avides de « danses macabres »1
C’est le matin
Le soleil perce la brume
Il fait violement beau à Venise
Un air de printemps
Combien de Printemps
nous restent-ils?
« Ses yeux actifs, inquiets et vigilants, en disaient plus
que des volumes entiers » 2

En « Commandant »
Le démon invective
J’aime l’idée que tu meures debout

Les voilà donc debout
Écoutant la musique

Oublieux
Souriants
Devant l’abattoir

« En tout climat, sous tout soleil, la Mort t’admire
En tes contorsions, risible humanité
Et souvent comme toi se parfumant de myrrhe,
Mêle son ironie à ton insanité » 3

Mar Thieriot in Fausta Amalthée France 2018

Ref.

1 Danse Macabre, Memento mori, anthologie établie par Florian Balduc, France, 2016.
2 Godwin in Saint Léon, p 92, Otrante, France, 2017.

3 Charles Baudelaire, Danse Macabre, Memento mori, p. 150, anthologie établie par Florian Balduc, France, 2016.

Roses et poèmes – Mar Thieriot

Ton premier appel,
C’était un dimanche.
– Une envolée
Par une absence
Elle peuple le poème,
– Un silence entier.
D’une douleur muette
Et partagée.
Je reviens à pas de chat
Vers notre bureau,
En jachère,
Depuis des semaines
Lourdes
de combat intense
Contre le naufrage.
Des semaines
où l’on lit du bout des yeux,
Où l’on ne sait plus guère
les mots justes,
Parce que la souffrance,
Cela brouille tout.
La joie est une contrainte
Que l’on appelle de ses voeux
Sans trop y croire :
Elle force la route pourtant,
Discrète et légère…
Que la joie demeure,
M’appelle,
Me revienne.
Le calme
silencieux de la pièce,
Un stylo qui glisse rapidement
Et me voilà balancée
Dans l’abîme lumineux.
Vers et toile Mar Thieriot – 15-12-2019
droits réservés
Je dis nous
Cela m’est doux
Nous dormons
Nous marchons
Nous vivons
Combien de temps….
Je dirai nous ?
Mar Thieriot
vers et toile 15-12-2019
droits réservés

Voilà les arbres
Fleurissent
Comme en un rêve
Les rosiers
Rivalisent de beauté
Avec l’éclosion
Des Bonsaïs
Marcher sur la toile
D’un dieu peintre
Filmer la rivière
Pour que le bruit coule
Sur ton lit d’hôpital
Tu me dis en souriant
Mes signes vitaux
Sont excellents

Vers et toile Mar Thieriot – droits réservés
15-12-2019

En paix

Takeuchi Seiho, – “Série Fuji”

Ne rien attendre
Ne rien espérer
Ne rien quêter
Serrer les poings plutôt
Nouer les mâchoires
Prononcer les mots
que l’on croyait…
Impossibles
Traverser le miroir
où l’illusion se love
Où le mensonge nous happe
Où le mal nous endort
Ou nous anesthésie
Brancher les fils du rêve
Trancher la tête de la méduse
qui nous pétrifie
Et chevaucher Pégase enfin,
Les ailes de la vie déployées et fières.
Malgré les vents contraires
toucher les doigts frêles et émus
un réel tiède
Présence entière
Qui ne miroite rien
Ne formule pas de promesses
Mais voit l’âme sourire
Paisible
Écrire l’infini.

Mar Thieriot

Intranquille mêlée de rêves

Huille – Mar Thieriot

Intranquille
Mêlée de rêves
ivre de vide
Telle une survivante
De l’éclair

la pensée aiguisée
vive et tranchante

Les mains
Charriant la lumière
de l’automne
Charriant l’infini

J’offre
sur une lame fine
Les nouvelles
Du Lointain

Impressions de l’automne 2017

Mar Thieriot

Rosé

Rosé

Oil on canvas – Mar Thieriot

ROSÉE
Commencé le 25 mai 2013,

« Pratiquer la voie, c’est parfois laisser tomber l’esprit,
et parfois s’en saisir. On étudie en pensant, et aussi
en ne pensant pas [1]» poursuit Dôgen.

Entre nous,
Ton regard noir
mon silence blanc et calme,
Alternent
sans partis pris
Au gré du vent
D’un échange
qui se répète

L’esprit alerte
Parfois diligent et cendré,
Parfois en jachère
Je m’éveille
À ce souffle second

À la rosée d’un matin

L’or goutte entre mes doigts
Comme un soleil secret
Se confie

Tu prends les doigts, l’or du soleil,
l’échange et le vent.

[1] [1] DÔGEN in Corps et Esprit, la voie du zen, p.24, Paris, Gallimard, 2013.
Mots et image Mar Thieriot

Lointaine je disposais

Oil on canvas – Mar Thieriot

Lointaine
Je disposais
Pas à pas
des fleurs parfumées
dans des vases effilés
Pétris par Elsa
Chaque semaine
le rituel se renouvelait
Bouquets et retrouvailles
Vider l’eau
couper les tiges
Choisir
de nouveaux boutons
Marier les couleurs
Débusquer l’harmonie
À chaque fois
tandis que l’on manie
avec dextérité
La vie des fleurs
L’on se prépare
à leur mort
à nos morts
Elsa souriait doucement
Lorsqu’elle m’apprenait
à manier avec lenteur
Les bouquets d’Ikebana
En silence toujours
couper
trier
Sécher
jeter parfois
Voir jaillir
Voir éclore
La fleur verticale

Mar Thieriot 9 Octobre 2019

À coeurs ouverts | A peitos abertos

a coeurs

De cendres et d’or – détail huile – Mar Thieriot

 

À coeurs ouverts

Joie de feu offerte
En partage
Des mots banals
Tendres
Pourtant
Fusent
De nulle part
Nous

Nous sommes parlés
À cœurs ouverts
La nuit fraîche
Paisible
Enchanteresse
Comme une lune haute
Dans un ciel
Pavé d’étoiles

Sans craintes
Sans jalousies
Sans ressentiments
Puis un long silence
A suivi
Traversant la grisaille
De la grisaille

De retour à nouveau
Vers nos vies
À part

A peitos abertos

Alegria do fogo
Compartilhado
Palavras singelas
Porém ternas
Acontecem
Em um não lugar
Falamos
Peitos abertos

Anoitecer calmo
A lua alta
No céu
Polvilhado de estrelas
Sem medos
Sem ciúmes
Sem dúvidas

Depois
Um silêncio profundo
Atravessa os dias
de cinza
nas cinzas
De volta
A caminhos separados

Mar Thieriot

Les cailloux blancs

Détail oil on canvas – Mar Thieriot

 

 

 

 

 

 

 

 

T’écrire
Une bribe d’histoire
Un conte fantastique
Avec sa part d’horreur
Et de merveilleux

Un roman de gare
Un feuilleton
Déjà vu
Cent fois
Quelques modèles de rôle
Hétéroclites

Lolita
Antigone
Camille Claudel
Thérèse D’Avila
La fille du voisin
La femme d’à coté
Carmen
Une petite fille myope

Les cailloux blancs
Sur le sentier
De cette histoire
S’en vont à Venise

Là où règne un lion
Et une paire d’ailes
De griffes et de plumes

Bribes de vie de boxe
De Tango
Et de paralysies

Le premier souvenir
Une chevauchée débridée
Avec un Alezan fauve
Seule
Ivre de vent
Puis
Le sourire suave
D’une grande mère triste

T’écrire
Il n’y a cela qui compte
Pour durer
Dans la cohue furieuse
Dans la cohue haletante
Une main bien vivante
Qui gratte l’écran de nos rêves

T’écrire
Encore et encore
Un palais du dix-huitième
Et des taudis en pagaille
Les jours maudits
Les jours d’extase

Laisser dans l’ombre
Reposer
Ton fantôme nu
Mon fantôme nu

Baptiser
L’éclair

Mar Thieriot